Le Saguenay, un "Fjord" à découvrir

Si le Saguenay est une rivière, pourquoi dit-on alors "le" Saguenay? C'est parce que le Saguenay est un fjord comme on en retrouve en Norvège et au Groenland. S'il est appelé rivière c'est parce qu'il se jette dans un fleuve.

De Tadoussac à Chicoutimi, le Saguenay prend tour à tour, des allures de lac, devient rivière, et se transforme au gré des milles, au coeur d'une nature grandiose. " Il faut avoir navigué au moins une fois dans sa vie de marin sur le Saguenay ".

Sur les 50 premiers milles en amont de son embouchure, sa largeur varie de 0,6 à 2 milles et le Saguenay s'écoule dans une large crevasse perpendiculaire au Saint-Laurent. Le paysage est grandiose. Sur cette section, la profondeur de l'eau est égale à la hauteur des falaises qui l'entoure - jusqu'à 1000 pieds (305 mètres, 150 brasses) à l'égalité du Cap Éternité.

Entrer dans le fjord.
Avant de remonter le Saguenay, il y a l'embouchure à franchir, une étape qu'il faut impérativement négocier avec doigté. À cet endroit, trois éléments s'unissent pour compliquer la vie du navigateur: les nombreux hauts-fonds, les forts courants de marée, et la brume.

Situé à 100 milles nautiques de Québec, il faut, surtout si la vitesse de votre bateau ne dépasse pas 10 noeuds - ce qui est le cas de la plupart des voiliers - se familiariser avec les marées si on veut éviter les surprises. Il faut également tenir compte du vent. Aussitôt qu'il dépasse 15 noeuds et qu'il souffle en direction contraire au courant de marée, un clapot fort désagréable qui peut devenir infernal à certains endroits est à prévoir. Trois endroits sont particulièrement à surveiller: de la Petite Rivière St-François à l'Île-aux-Coudres, en face de Cap aux Oies et l'entrée du Saguenay.

À partir de Québec, des escales à St.-Laurent de l'Île d'Orléans, à St-Michel de Bellechasse, à Baie St-Paul ou à l'Île-aux-Coudres, à Cap-à-l'Aigle ou à Rivière-du-Loup, et à St-Siméon. Passer le Cap-à-l'Aigle, on peut longer la rive nord escarpée, s'arrêter à Port au Persil, saluer le phare du Cap à la tête de chien jusqu'à environ 15 milles de l'entrée du Saguenay.

À partir de cet endroit, il faut viser la bouée K58 qui borde la batture aux Alouettes et la contourner serrée sur votre bâbord pour éviter de vous retrouver au milieu du chenal principal et risquer de rencontrer les monstres d'aciers (200 mètres et plus) qui remontent le Fleuve.

Passer la K58, il faut faire ses calculs pour prévoir l'heure d'arrivée à la "Toupie", le gros phare d'une hauteur de 25 mètres (83 pieds) qui se dresse au milieu du Fleuve à l'entrée du Saguenay, sur le Haut-fond Prince. Prévoyez arriver à cet endroit au moment ou la marée cesse de baisser dans le Fleuve et commence à monter dans le Saguenay c'est-à-dire 2 heures après la basse mer de Pointe-au-Père (consultez les tables des marées). Si vous arrivez trop tôt, il y aura encore du jusant dans le Saguenay et vous trouverez très long les 5 milles jusqu'à Tadoussac. Si vous arrivez trop tard, il vous faudra affronter la marée montante du Fleuve. Un bon point de repère est la bouée K56. Prévoyez contourner la K56 deux heures et demie après la basse mer de Pointe-au-Père et tout devrait bien aller.

Un peu avant d'atteindre la bouée K56, remarquez le changement de la couleur de l'eau. Vous passez de l'eau verdâtre du Fleuve à l'eau noire du Saguenay. La démarcation est très claire. L'eau douce du Saguenay ne se mélange pas à l'eau salée du Fleuve. Remarquez également les gros tourbillons. Si le vent est de la partie et souffle dans la mauvaise direction, vous devrez peut-être affronter une mer désordonnée où les vagues pourront rapidement atteindre près de 2 mètres (5 à 6 pieds), ce qui est plutôt inconfortable à bord d'un petit bateau.

À l'égalité de la K56, pointez votre étrave directement sur la balise orange de la Pointe aux Vaches (il n'est pas nécessaire de se rendre jusqu'à la "Toupie") en faisant attention de ne pas être poussé sur la batture aux Alouettes. Cette route est le chemin qu'empruntaient à l'époque les goélettes qui faisaient du cabotage.

Bientôt, vous apercevrez une des bouées d'entrée du Saguenay. Visez la S5 ou la S7. Vous passerez sur le Récif Bar (minimum de 2 mètres d'eau). Vous apercevez maintenant le toit rouge de l'Hôtel Tadoussac, pointez-y votre étrave. La marina de Tadoussac se cache derrière le quai public. Elle offre aux plaisanciers tous les services dignes d'une marina de première classe. Le personnel est empressé et même si on affiche complet, on fera l'impossible pour vous trouver un petit coin. Appelez le maître de port sur le VHF (voie 68) pour annoncer votre arrivée.

Avant de quitter votre escale en amont du Saguenay, informez-vous des conditions de visibilité à l'entrée. Durant l'été, il est fréquent que de larges bancs de brume s'accrochent autour de la "Toupie". Dans de telles conditions, si vous n'avez pas de radar et ne connaissez pas bien le secteur, attendez.

Dans le Saguenay
En remontant ou en descendant le Saguenay, vous aurez soit le vent de face, ou soit le vent dans le dos. Il suit fidèlement le contour du fjord et souffle souvent en rafale. Les courants ne sont significatifs que sur les 14 premiers milles (jusqu'à Baie Ste-Marguerite). Après, il est négligeable. Si vous sentez à un moment ou à un autre, un courant contraire, il suffit de longer les falaises de très près pour profiter d'un retour de courant.

Pour les amateurs de pêche, voici quelques coins susceptibles de vous procurer de quoi varier votre menu du soir. La baie Ste-Marguerite, l'Anse Passe-Pierre ou l'Anse St-Étienne sont réputés pour la truite de mer et Cap noir pour la morue.

Mouillages
Malgré ses falaises et ses caps, les rives du Saguenay offrent plusieurs bons mouillages. Le premier en remontant à un peu plus d'un mille de Tadoussac sur la rive nord est l'Anse à la Barque. Deux milles plus haut, de gros anneaux ont été plantés dans le roc du Cap à la Boule. L'anse suivante s'appelle Passe-Pierre. Quatre milles plus loin se trouve Anse-de-Roche.
Sur l'autre rive, l'anse au Cheval est un mouillage très pittoresque. On peut également s'ancrer à l'Île St-Louis ou encore à l'Île St-Barthélémy (très peu fréquentée). L'anse Gagnon est un autre très beau mouillage.

L'Anse St-Jean
Le temps semble s'être arrêté à l'Anse St-Jean. Si vous avez en poche un billet de 1000$, le paysage au fond de la grande baie vous sera familier. Un très bon endroit pour savourer la cuisine locale: tourtière du Lac St.-Jean, ragoût, et autres plats typiques de la gastronomie du Saguenay.

Baie Éternité
Large et profonde, la baie s'ouvre entre les caps Éternité et Trinité. N'hésitez pas à vous approcher du Cap Trinité, d'aussi près que vous pouvez. L'impression est saisissante. Remarquez les noms des équipages qui ont osé accoster le Cap et y ont laissé leurs noms souillant de leurs graffitis un des plus beau endroit du monde.
Au fond de la baie, il y a un quai et quelques mouillages qui peuvent accueillir les visiteurs.

Jusqu'à Chicoutimi
Trente milles séparent Chicoutimi du Cap Trinité. Une escale à Ste-Rose-du-Nord s'impose. Un quai public en eau profonde vous y attend et vous pouvez y accoster. Vérifiez souvent vos amarres car l'amplitude de la marée est de 3 à 6 mètres (10 à 20 pieds).
Cinq mille plus haut, le Saguenay se divise en deux. À gauche, c'est la baie des Ha Ha au fond de laquelle se trouve la ville de la Baie. Si vou prenez à droite, le fjord vous mènera vers Chicoutimi. Ce chenal a été creusé entre les battures. Suivez scrupuleusement les alignements mis à votre disposition sous peine de tâter des cailloux surtout à marée basse.
En approchant de Chicoutimi, laissez la bouée S71 à votre gauche. Elle indique un haut-fond rocheux. Le club nautique de Chicoutimi est très accueillant et ses membres se feront un plaisir de vous indiquer les meilleurs endroits pour trouver pièces de rechange, bars, restaurants, et autres attraits.

Quitter Chicoutimi
Pour bénéficier du courant de jusant qui peut atteindre 3 noeuds, quittez Chicoutimi 2 heures après la marée haute à Chicoutimi.

Voila un aperçu du Saguenay. Il y aurait beaucoup plus à dire, mais pourquoi ne pas découvrir vous même les 61 milles qui séparent Tadoussac de Chicoutimi? Vous comprendrez alors pourquoi on parle du "Royaume du Saguenay".

Pierre Boucher
lavoile.com

Cartes marines: Service hydrographique du Canada #1203, 1209, 1203